"Les lignes Barbe-gloire se formèrent en face des rangs Forgerage."
Au début, tout sembla se matérialiser comme le Capitaine l'avait prédit. Nos propres troupes s'amassèrent à l'avant-poste de Hautevue - notre fortin qui garde les montagnes nords - dans l'attente de notre ennemi. Ce dernier ne tarda pas à faire parler de lui ; Une cariole qui devait approvisionner nos soldats en nourritures et munitions arriva par la porte principale, fléchées de partout. Et bien entendu, sans les vivres. Son conducteur, blessé par un carreau, jura que les Barbe-gloire l'avait attaqué en ambuscade, et qu'il n'avait aucune nouvelle des autres charrettes. Ces damnées Barbe-gloire préparent-ils un siège d'usure ? La question me troubla quelques secondes, mais un cor sonna aussitôt, m'extirpant de mes pensées. Le cor d'alerte tonna un fois longuement, puis deux coups secs pour terminer son appel. Aussitôt, l'officier en charge de l'avant-poste, un costaud de la famille Brognefonte, beugla une sortie et la formation de plusieurs lignes.
Vous avez déjà vu deux cents nains s'activer, marchant en pas et former des rangs compacts de boucliers, de lances et de haches affutées ? C'est un spectacle terrifiant et peu de races peuvent nous rivaliser dans ce domaine. Avec quelques nains, j'ai formé l'arrière-garde, protégeant le cul des troupes. Nous ne subirons pas la charge de plein fouet, mais note tâche est tout aussi cruciale. Puis vint l'attente de l'adversaire. Ce dernier se montra enfin, surgissant d'un col. Ses rangs étaient brillants d'armures rutilantes et la première ligne se tenait fièrement. Nous, les Forgerage, secouèrent nos armes et heurtèrent nos boucliers pour faire du bruit à leur arrivée. Eux aussi nous répondirent par ce même jeu guerrier, cherchant à faire provoquer la peur dans les cœur de leurs adversaires, mais aussi et surtout pour se donner du courage et faire disparaître toute envie de lâcheté. Dans l'excitation, un de nos archers décocha une flèche qui tua tout net un guerrier Barbe-gloire. Cela tua l'ambiance...
Avant que nos armées se jetèrent l'une contre l'autre, un gros nain perché sur un bélier de guerre surgit des rangs ennemis. Sa cape rouge était fouettée par le vent et il railla copieusement notre clan, suggérant de nous rendre et de céder les terres du Thane Arnskar au profit de son maître : Le Thane Orüd. Chose impossible, bien sûr, et sous une avalanche d'insultes et de haine, ce chef s'en retourna vers ses propres troupes afin de donner l'assaut. Notre officier fit de même, et les deux armées marchèrent au pas, face à face, les premières lignes se bousculant sous la pression de la bataille à venir. Comme beaucoup, mon cœur saigna de devoir tuer des semblables, mais ils l'ont cherché et le devoir et la vengeance passent avant toute chose...
Le rhyme s'accéléra encore un peu. La marche devint une course folle et près de quatre cents guerriers allaient se percuter, bouclier contre hallebarde. Hache contre masse. Jamais je n'avais ressenti pareille sentiment, tandis que je suivais les troupes au combat. D'un cri rauque, un ordre dicta de décocher flèches et carreaux. Des deux cotés, une pluie de fer tomba sur les premiers nains. Certains tombèrent en avant, piétiné sans merci par ceux qui les suivaient de près. Puis la charge se lança avec un cri de tonnerre qui ferait pâlir de jalousie le plus terrible des orages. Mais... mais au moment où le choc devait se produire. Au moment où les combattants allaient s'éventrer les uns contre les autres, un éclair aveuglant frappa la ligne même de l'affrontement. Puis un choc repoussant en arrière les soldats, avec plus ou moins de violence, séparant les deux fronts. Un éclair crépita une nouvelle fois, et la terre se lézardant sur cinquante mètres. Les armées s'écrasèrent, les heaumes heurtant ceux des voisins. Sans comprendre, j'entendis un rire dément mugir dans le vent. Un rire fou. Torun...
Perché sur un promontoire, un nain encapuchonné se dévoila sous nos yeux. La bataille qui devait se jouer s'arrêta l'espace d'un instant, et observé par des centaines d'yeux, le contremaître hurla qu'il était temps pour lui de réaliser le chaos tant recherché. Il leva ce maudit cube, le tenant à deux mains. Je... Je ne sais pas trop ce qu'il s'est passé, ensuite. Un flash blanc illumina mes yeux, et j'ai senti une voix posséder mon esprit. Et il sembla que ce fut le cas de tous les guerriers, Forgerage comme Barbe-gloire, et tous hurlèrent l'unisson. Moi aussi. J'ai vu des choses vraies. Des cauchemars vivants. La voix ne semblait pas s'arrêter et il était impossible pour moi de résister à son appel. Puis vint le chaos le plus totale. Je ne me souviens de rien, mais ceux qui ont résisté à cette force obscure me racontèrent que nous avons commencé à nous entretués sans distinction. Frère contre frère. Cousin contre cousin. Ami contre ennemi. La folie gagna toutes les troupes et les rares nains aillant encore leur tête prièrent les Ancêtres de faire cesser cette folie. Inutilement. Dans le brouhaha et l'effusion de sang, Torun en profita pour s'enfuir à travers les montagnes mais quelques courageux eurent l'audace de poursuivre ce traitre afin de l'arrêter, lui et son cube.
"Une chose sans nom et sans visage."
La suite, c'est le récit d'un de nos membres du clan qui me le conta. Un petit groupe, composé de trois nains - Baethril, Brynhildr et Dolhime - poursuivirent Torun à travers Hautevue, laissant les deux armées s'entretuer sans que rien ne puisse arrêter ce bain de sang. Le groupe emprunta un chemin enneigé, suivant des traces fraîches, avant de suivre une route qui semblait mener dans les tréfonds de la montagne. Rapidement, ils découvrirent une caverne isolée et désertée, imposante par sa taille et sombre par l'ambiance qu'elle dégageait. Sans perdre une seconde, tous les trois s'enfoncèrent dans les profondeurs, devinant que Torun s'y trouverait.
En chemin, ils croisèrent quelques nains possédés par l'arme de Baguéclair et le combat s'engagea sur le champ. Etrangement, ils remarquèrent que certains nains pouvaient revenir à la raison après quelques coups, tandis que d'autres se contentaient de mourir jusqu'à la fin. L'un des survivants, mortellement blessé, avoua que Torun et son cube maléfique était en bas, invoquant un sombre pouvoir pour satisfaire la soif de puissance d'un maître inconnu. Ou le libérer.
Rapidement, le trio s'engagea dans les sombres tunnels et découvrit le contremaître à genou, se tenant au centre d'une vaste salle rougeoyante avec le cube entre ses pognes. Des pans de lave tombaient de la voûte de pierre et un froid étranger se dégageait de l'immense salle. Tout semblait irréel. S'approchant avec prudence de Torun, ce dernier se redressa vivement et aboya quelques folies...
"Il est trop tard ! Il sera libre ! Depuis si longtemps il est enfermé dans sa prison, forcé de survivre telle une essence distillée par des Titans d'un autre temps ! Il est l'incarnation d'un nouvel âge et il m'a dit la vérité. IL nous guidera vers l'élévation... mais pour cela, il faut brûler ce qui peut l'être et détruire le reste ! Alors, nous bâtirons ensemble un empire digne d'Azeroth ! DIGNE DE NOUS !"
Maître ! Vous serez LIBRE ! ENFIN ! VENEZ A MOI ! A NOUS ! Des anciens temps noirs il renaît pour recouvrir de son ombre sage et bénie ce monde délétère. Du fond des âges il revit... et le Chaos vient avec lui.Après quelques échanges, le cube se mit à briller d'une énergie lumineuse, si bien qu'il commençant à disparaître. Torun lévita même quelques instants, jubilant de sa victoire. Puis ses cris de joies commencèrent à se muer en hurlement d'inquiétudes, puis de peur et d'effroi. A la fin, le contremaître s'en déchira les tympans tandis que son arme commençaient à le posséder par un feu dévorant. Par reflexes, le Cornefer décocha une flèche vers le malheureux mais elle devint cendre et poussière avant qu'elle ne toucha son but. Puis vint une idée. Alors que le cube se transforma en une bouge d'énergie pure et mystique, des éclairs étant même envoyés ici et là, dont un projetant Brynhildr au loin, Baethril se décida de viser le plafond avec une flèche d'incendicite, tout en prévenant les autres qu'il va falloir fuir rapidement...
Visant le plafond, l'explosion fit vibrer la caverne et des gravas s'écroulèrent juste sur Torun et son cube. Le choc broya le nain et recouvrit la sinistre magie à l'oeuvre, si bien que la salle fut plongée dans le noir à cause de la poussière soulevée par l'effondrement d'une partie de la grotte. Pour avoir la certitude d'avoir terminé le contremaître, Dolhime suggéra d'envoyer une nouvelle flèche dans le tas de gravas afin d'enterrer définitivement ce fou. Chose que fit aussitôt le Cornefer. La seconde explosion remua la caverne, cette fois brisant toute sa structure. Des tremblements commencèrent à secouer les lieux et des fissures craquelèrent les murs rocheux. Mais alors qu'ils s'apprêtaient à fuir, des décombres surgit une créature innommable qui fit trembler de peur ces nains au cœur pourtant si courageux. Sans yeux ou bouche, gigantesque et visqueuse, le monstre déblaya les quelques roches à l'aide de tentacules massives.
Dolhime balbutia un mot "Sans-visage" contemplant cette bête qui s'adressa dans une langue incompréhensible. Pourtant, il semble qu'elle pouvait communiquer par la pensée. Sa force d'esprit commença même à toucher l'âme du trio, mais ce dernier fut résistant et les guerriers décidèrent d'affronter cette chose sans nom. "Jusqu'à la fin" dit Brynhildr à ses camarades. Une stratégie simple se mit en place. Le bâtard Sombrefer devait attirer le monstre vers lui, reculant ainsi jusqu'à une fontaine de magma dans laquelle serait jeté le "Sans-visage", poussé par la jeune Scandefer et le Cornefer. Un plan osé, et Dolhime se mit à la tâche, frappant les jambes molles de cet être méprisable. Hélas, ce dernier n'avait rien d'un animal que l'on pouvait berner comme un ours, ou un sanglicorne. Jouant avec les races inférieures, il remarqua que le plafond de la voûte commençait à s'effondrer sur lui. Blessé par le demi-sombrefer, mais repoussant ce dernier avec un trait d'ombre terriblement puissant, le monstre invoqua un portail pourpre sous ses pieds et disparu aussitôt, comme avalé par la roche.
Sous les cris rageurs de Baethril, lui et sa coéquipière foncèrent vers Dolhime en s'appercevant que le Sans-visage s'était enfuit avec une facilité déconcertante. Et sans même se battre. Peut-être que la créature tentaculaire n'avait pas jugé utile de tuer des insectes de notre espèce ?... Je ne sais pas. Ou avait-il peur, fuyant tel un lâche pour retrouver "le maître qui s'éveille dans les abysses". C'est là les rares mots qu'il avait prononcé clairement. Le trio s'enfuit rapidement de la grotte qui s'effondra d'un seul bloc, tout en récupérant le mystérieux cube qui gisait au sol. C'est Brynhildr qui se chargea de la ramasser, avec soins, l'enroulant dans sa cape. Plus tard, ils rentrèrent secoués et fatigués de ce combat face une entité du mal, inconnue et oubliée depuis des milliers d'années. Mais ils devaient maintenant retourner à l'avant-poste de Hautevue pour y constater les dégâts, et découvrir si la corruption et la folie avaient pris fin.
"Les rares survivants Barbe-gloire fuirent la bataille, en déroute."
Ce n'était pas un champ de bataille, mais un véritable charnier. En temps ordinaire, les armées reculent lorsque qu'une ligne cède, et les morts ne dépassent jamais les vingt guerriers. Mais là, les cadavres ne pouvaient être compter tant ils étaient nombreux. Les blessés hurlaient de partout, scandant nos Ancêtres ou les Vanuks. Les quelques survivants Barbe-gloire fuirent à la vue du groupe qui revint sur ces lieux désolés, cherchant du regard quelques nains encore en vie. Cette bataille n'en était pas une. Du moins, pas dans les termes de guerre. C'était là un carnage qui allait sans doute faire parler de lui pendant des années. Des siècles, même. Mais au moins, la folie qui avaient habiter les guerriers semblait s'être dissipée.
Au loin, le chef nain qui menait l'armée Barbe-gloire beugla insultes et vengeances, claque les rênes de son bouc. Il menaça le clan de représailles sanglantes, et que les Barbe-gloire reviendraient en force !
"Nous reviendrons, chiens de Forgerage ! Vous payerez pour cette magie impie et la mort des miens ! VOUS ENETENDEZ ?! NOUS REVIENDONS !"
"Je suis le Jarl Hangus, le BOUCHER SANGLANT ! Retenez ce nom, misérables rats ! Car je reviendrai voler vos terres et massacrer chacun de vos fils et filles ! BARBE-GLOIRE VAINCRA !"Préférant laisser ce grognard filer avec sa troupe réduite à quelques nains, le trio s'activa à fouiller les corps. Un nouveau cor sonna derrière nos propres lignes. Les Scandefer venaient d'arriver en force et rapidement, les soldats de cette famille s'en allèrent aider ceux qui pouvaient l'être et sécuriser les lieux de ce massacre. Avec la mort de l'officier Brognefonte, c'est le père de Brynhildr, Astvar Scandefer, qui reprit la direction des troupes survivantes, ce dernier ayant quitté le Fort Scandefer en trombe. Il ordonna de soigner les soldats Barbe-gloire, afin de s'en servir de monnaie d'échange à l'avenir, et il fit de l'avant-poste un hôpital de campagne. Les prêtres des Anciens sont arrivés rapidement afin de soigner les nombreux blessés. Beaucoup deviendront des boitards, hélas... Moi-même, j'ai subi de lourdes blessures, et l'on m'a découvert au milieu de la désolation, étalée aux cotés de mes frères et sœurs que j'ai du... du. Pourfendre, ivre de folie. J'étais aveugle. Je ne me souviens de rien ou presque. Racheter ma faute et cette faiblesse sera mon fardeau pour le restant de mes jours.
Mais au moins, nous avons repousser les Barbe-gloire et le Cube est définitivement arrêté. Torun est mort, et même si la créature qu'il a libéré de sa boite infernale est libre, je doute qu'elle revienne nous hanter. La menace actuelle reste le clan Barbe-gloire et les Démons de cette foutue Légion Ardente qui continuent de surgir partout sur Azeroth. Le clan reste sauf malgré les sacrifices consentis pour protéger nos traditions et nos terres. C'est un maigre réconfort.
Mais avant cela, nous allons devoir étreindre nos défunts et leur accorder le Repos de Pierre dans les catacombes de Grakazum. Nous avons perdus tellement de guerriers en si peu de temps... C'est un coup dur pour nous, qui avons déjà eu la malchance de perdre quelques bons soldats au Rivage Brisé. Et la tempête ne semble pas prête à se calmer, même si pour la première fois depuis longtemps, je crois deviner une éclaircie qui cherche à poindre dans le ciel. Serait-ce un signe d'Hymdir ? Croire en lui est la seule chose à faire, en ces temps troubles, alors, je vais prendre ce signe comme un bon présage.
Et malgré nos malheurs endurés, pour la première fois depuis bien longtemps, je me suis mise à sourire. Ou alors, c'est l'alcool que m'a fait boire le prêtre afin de soulager mes blessures ?...
Fin de la campagne "Le Cube"